Souvenez-vous de la première fois que vous êtes mort en jeu. Goûtez ce moment, quand l'éternité du pixel vous initiait à l'antique simulation d'un mystère enfuit : patience, croissance, décroissance, la vie, la mort. Un rythme étouffé par des siècles de sédimentation sociale.
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En 2005, j ai créé un groupe sur Second Life (on ne rit pas - j'y suis allé comme une pute se serait ruée sur Habitat de Lucasfilm), Postmodern cadavers, tentative démente pour dénicher de l'organique dans le virtuel - le pixel déliquescent est excitant, sa mousse de rez, strates de bugs et d'aliasing, scintillant. Etrangement, la mort y semblait plus virtuelle que le sexe - ses particules de sécrétions, ses agrégats de visuels, tristes charniers de corps et de vertices. Je me suis suicidé 2 fois dans SL - et ce n'était pas du snuff. La première fois devant des amis, je me suis jeté du haut d'une statue, j'ai déco en pleine chute. Puis j'ai effacé le compte. La seconde fois, c'est quand j'y suis retourné pour savoir si ca m'avait vraiment fait mal, ou si mon ame de joueur m'avait jouée des tours (ah). J'ai fini dans une vierge de nuremberg.
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Sujet impossible : la mort en jeu, le troll parfait pour enterrer les designer un peu aventureux - je creuse ma tombe, là. Les motifs récurrents : écran de game over old school ; restart au dernier checkpoint, sauvegarde ; indisponibilité des personnages pendant le combat ; réincarnation dans réceptacles perpétuels, après le jogging de rigueur à travers des shaders d'outre tombe ; respawn intantannée ou retardé sur le champs de bataille, armé jusqu'au dent après la gymnastique du clavier ; la profusion des modes hardcores ; les outils meta, les vies, les crédits, les continues... la sauvegarde est-elle l'illusion de la mort ? Un rappel extra diégétique de ce mur impénétrable entre l'information et la vie ?
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Prince of Persia est un jeu sans chute. Mais si vous étiez mort, l'effet sur le jeu aurait été le même - recommencer à la dernière étape. Quelle est l'utilité morale d'un sauvetage ? Economiser les temps de chargement ? Punir le joueur d'avoir échoué ? La mort comme fouet ? Ou bien la mort comme commencement d'une perception - voir les oiseaux pour la première fois, comme au premier jour de ce premier homme sorti de la première caverne. En bas, dans la vallée profonde qu'il appellait le monde souterrain : d'étranges bruits, des territoires perdus, des mystères éternels. La mort, et aù-delà. La vie, entendue, pas vue.
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LucasArts ne nous a pas appris à mourir. Ils nous ont appris à aimer la persistance d'une expérience non chiffrée, la continuité. Guybrush Threepwood ne meurt qu'une seule fois, noyé. Le reste est juste un subtil dosage entre la frustration d'être en vie sans être capable de résoudre une énigme. Il y a plusieurs façons de mourir a Bioshock, mais on ne meurs jamais vraiment. Parfois, en manque de munitions, il est plus utile de mourir et de retourner fracasser Ayn Rand à la barre à mine. Planescape Torment nous a fourni les arguments pour comprendre que la vie et la mort étaient les clés d'une optimisation de la personnalité, d'une force émotionnelle. La mort dans Mirror's Edge nous ramène aux rêves de chute, quand nous nous réveillons avant d'heurter le béton. Si nous touchons le sol dans un jeu, devons-nous avoir peur pour notre vie réelle ?
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L'objectif- Réiventer la mort dans les médias occidentaux, pour la société occidentale, enclavée dans son confort et la religion. Réaffirmer le besoin de la mort non comme punition - parceque nous pouvons punir à tout moment, parceque nos vies sont concernée par d'autres échecs - mais comme outil pour rendre un pixel vivant. Pourquoi ne pas vouloir finir un jeu pour y mourir (ie Passage, or The Graveyard) ? Et que penser de la Mort Definitive, tous ces modes hardcores réduisant des heures, des jours, des semaines, des mois d'expérience à néant ? Le linceul de la mort est le voile de la vie virtuelle. Pas la mort elle même, mais le passage de l'autre côté, comme ce pont étroit que les Initiés des Mystères d'Eleusis - le premier jeu vidéo grandeur nature - devaient franchir pour assimiler la grandeur de la croissance et de la décroissance d'une pousse de blé.
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Dans le RPG Reves de dragon, la vie est un rêve dans la tête d'un dragon endormi. Certains personnages peuvent accéder ces terres médianes, tout près de la conscience du dragon, et par leurs actions là-bas, peuvent influencer l'autre monde en temps réel. Pouvons-nous faire l'expérience de la mort comme celle d'une quête virtuelle ? Un autre royaume hypodiégétique, régi par ses propres règles, nous privant de l'expérience du soleil, mais nous donnant les jeux d'ombres. La mort comme Empire, la mort comme Powerplay après le niveau 80.
Restons-y. Reprenez de ces champignons, arrachés aux rives de l'Acheron...
David Calvo is a game designer, writer and cartoonist. He’s currently Creative Director of Ankama Play , and is Lead and Narrative Designer on Islands of Wakfu, due for the Xbla in 2009. He’s part of the collective Univac 1951 and draws daily on Beulah. He can be find on Twitter as Metagaming.
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